Mon travail de recherche porte sur le quotidien des humanitaires en mission d’urgence, à partir d'une ethnographie réalisée pendant plus d'un an auprès d'équipes internationales en poste en Ethiopie. Les "urgenciers" constituent une population aux contours flous, à l’identité mouvante sous le masque du stéréotype, et qui bouscule les limites usuelles entre l’ordinaire et l’exceptionnel, entre l’individu et la communauté. Qui plus est, les humanitaires circulent entre l’ultra-local du site d’intervention et l’hyper-global de l’aide internationale mondialisée. Ce sont autant ces circulations que l'instauration d'un paradigme sécuritaire qui sont au cœur de mon propos.
L’enquête a pris pour point de départ la DG (Direction Générale) ECHO, bailleur européen de l’urgence. L’examen de son fonctionnement, depuis Bruxelles jusqu’à Addis Abeba, a constitué le prélude d'une réflexion sur le monde des humanitaires de terrain, membres de grandes ONGI (MDM, MSF, ACF, Save the Children, CARE, etc.). En définitive, ce travail interroge aussi les conditions de production d’une anthropologie des humanitaires, qui tienne compte à la fois du contexte local (l’Ethiopie héritière des famines de 1984-85), et des spécificités du groupe étudié (prégnance d’un fort entre soi professionnel notamment). A l’heure d’une re-frontièrisation du monde et de l’affleurement d’une gestion transnationale des questions migratoires, la place et le rôle des humanitaires dans l’organisation contemporaine des sociétés sont clés.