Quand?: 10:00 – 12:00

Jonas Nickel (EHESS / Humboldt Universität / CMB)

La communication entend poser les linéaments d’une réflexion sur les usages du mythe du complot
juif dans les pamphlets de Louis-Ferdinand Céline. S’inscrivant dans la continuité de son œuvre
romanesque, Bagatelles pour un massacre (1937), L’École des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941)
actualisent, chacun à leur manière, l’ethos discursif du narrateur-médecin qui ausculte et dévoile la
réalité qu’il (d)écrit dès Voyage au bout de la nuit (1932). Réclamant la liberté de « tout dire », romans
et pamphlets céliniens s’apparentent, comme l’a montré Philippe Roussin, au régime rhétorique de
la παρρησία (parrhesia). Ils héritent du programme du roman populaire du XIXe siècle et renouent
avec l’imaginaire des bas-fonds, en proposant une « herméneutique des profondeurs » censée
rendre « intelligible » le monde social (Judith Lyon-Caen).

C’est cet ethos du dévoilement que Céline politisera dans ses pamphlets, actualisant, dans la lignée
de la littérature antisémite depuis Drumont, une herméneutique du complot. Dans sa
documentation antijuive, il puise principalement dans les écrits de propagandistes antisémites
comme Henry Coston, Henri-Robert Petit et Louis Darquier de Pellepoix, allant jusqu’à en
reproduire des passages tels quels, sans modification aucune, dans ses pamphlets. « Créatrice de
faits présentés comme vrais » (Paul Aron), la littérature fait, avec Céline, partie intégrante des «
infrastructures communicatives » qui « implantent et transmettent » l’idéologie antisémite (Albrecht
Koschorke). En analysant les usages des pamphlets à l’époque de leur parution, ainsi que leur
redéfinition dans le contexte des décrets-lois Marchandeau, on verra que la littérature participe
puissamment à instituer la réalité sociale.