(ERC) DREAM: DRafting and Enacting the Revolutions in the Arab Mediterranean. In Search for Dignity – from the 1950's until today

Dynamiques et expériences de la globalisation

Coordinatrice principale : Leyla Dakhli (CMB)
Organisme de financement : ERC Consolidator Grant
Partenaires du projet : Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis (IISG-KNAW), Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (CHS), CMB
Durée : 2018 – 2024

DREAM -Drafting and Enacting the Revolutions in the Arab Mediterranean – In Search for Dignity from the 1950s until Today

Plus d'information sur le blog Hypothèses consacré au projet ERC DREAM.

Lorsque l’on parle de révolutions en Méditerranée arabe, l’horizon historique est bien souvent aveuglé par deux moments écrasants : les révoltes de 2010-2011, dont le statut même de révolution est pris dans de nombreuses discussions sur les printemps et leurs hivers ; et les révolutions qui ont accompagné les luttes de décolonisation et les émancipations nationales des années 1930-1960, la plupart se trouvant figées dans un vocable national et mutées en instruments de régimes autoritaires : révolution algérienne, syrienne baathiste, libyenne de la « République démocratique des masses populaires », ou nassérienne.

Entre les deux, il n’y aurait rien. Ce projet cherche à ouvrir une voie vers la compréhension de ce que parler de « révolutions » signifie. Dans ce projet, il sera peu question du « moment surprise » d’une révolution, ou de l’idée de « soudaineté ». Nous préférons davantage partir du principe que l’expression politique est un phénomène bien plus englobant que ce que l'on pense habituellement. Ainsi, il s’agit d’aboutir à une compréhension des révolutions qui inclurait une dimension corporelle, tout comme les émotions, les silences et les omissions, dans son analyse. Ainsi, ce nouvel angle d’approche nous permet de considérer la révolution comme un processus continu dans le temps et l’espace, et pas seulement comme un fait anecdotique, qui surgit dans l’Histoire.

Nous nous appuierons principalement sur des archives publiques et privées des périodes historiques couvertes par DREAM. Dans la mesure où DREAM s’inscrit dans la recherche sur les « ingouvernables », et ce faisant, met en lumière des formes de résistance infra-politique (Scott, 1990), le projet s’attachera à démontrer deux choses : 1) que les micro-résistances ne peuvent être appréhendées séparément des moments d’explosion révolutionnaire, et 2) que l’idée de « surprise révolutionnaire » est une construction, selon laquelle il existerait des périodes « de calme » entre les « évènements révolutionnaires ». En effet, DREAM montrera dans ses recherches que ces périodes sont aussi riches en potentiel révolutionnaire et en revendications de changement social que pendant et après lesdits « moments révolutionnaires ».

 

Le projet

 

A travers l’écriture de l’histoire que nous visons dans ce projet, nous souhaitons nous débarrasser de « l’immense condescendance de la postérité » (Thompson, 1963/1991 : 12) qui, en s’attachant à des métaphores comme celle dudit Printemps arabe ou aux théories de la mondialisation, tendent finalement à représenter les révolutions comme un « jouet de l’Histoire ». Car, prise comme un temps d’appropriation du politique par un peuple en constitution, la révolution a en son cœur même, outre les protests ou les barricades, un « entretemps » (Boucheron, 2012) tout aussi crucial où se mûrissent ce qu’elle porte en elle de transformations. Ce projet fait l’hypothèse que l’histoire, s’affranchissant du récit seul des batailles, travaillant sur les trous de mémoire et les angles morts autant que sur les trop-pleins du discours, peut permettre d’accéder à une compréhension de ces temps d’un passé pas si lointain, malgré la tonitruance des événements qui le cernent et l’étouffent.

 

On ne peut se contenter de faire l’histoire de phases de révoltes et de réponses répressives ou oppressives, les unes venant renforcer les autres. Ou d’admettre que tous ces surgissements sont l’expression de la contestation en contexte autoritaire, établissant une série de périodes ou d’années de plomb suivies par des printemps plus ou moins durables. Il nous faut dès à présent reconstruire cette chronologie patiemment, retracer les échos entre ces événements et en faire renaitre les mémoires divisées, en comprendre le parcours interne et les spécificités, en éclairer les langages.

 

Au sein de DREAM, nous nous employons à écrire une histoire qui s’attache d’abord à repérer, dater et identifier ce qui est contenu dans l’idée de révolution et les temps qui la précèdent. Ainsi, la prochaine étape consiste à établir une typologie des terminologies acceptées et existantes qui méritent d’être affinées, ou bien critiquées. Dès que des archives sont identifiées et collectées, il nous faut les retravailler afin de mettre en évidence les voix et les bruits jusqu’ici recouverts par ceux qui parlent plus fort et plus haut. Entre le silence et le discours assourdissant des leaders et des vainqueurs, il nous faudra reconstituer les projections et les espoirs, les chuchotements et les voies non abouties des soulèvements. Car c’est le fil qui peut nous servir à écrire une histoire par l’ordinaire des soulèvements, des levées d’espoir et de leurs retombées, de leurs sédimentations.

 

DREAM a pour ambition de travailler à l’écriture de l’histoire des révolutions dans la région en les prenant comme objet historique en soi et non comme mesure par rapport à un idéal-type ou en isolant un ou des acteur(s) particulier(s), icônique(s). Les révolutions doivent être ici considérées comme un phénomène multidimensionnel. Le projet dialogue avec les récents développements de l’historiographie des révolutions qui se centre sur les émotions et sur la commotion –  le fait de se mettre en mouvement ensemble – et la constitution, dans le moment révolutionnaire long, d’un peuple en marche (Timothy Tackett, 1996). Mais s’il est bien question de faire l’histoire de la Méditerranée arabe comme d’un espace comme les autres, il s’agit d’être à l’écoute de sa production propre d’outillages révolutionnaires tout en partageant des interrogations et des hypothèses avec des expériences historiques venues d’autres espaces et d’autres temps.

 

L’équipe de recherche DREAM est composée de Dr. Leyla Dakhli, chercheuse principale (CNRS- CMB Berlin); trois chercheurs post-doc: Dr. Youssef El-Chazli (CNRS – CHS Paris), Dr. Mélanie Henry (CNRS – CHS Paris) et Dr. Giulia Fabbiano (CNRS – CHS Paris); et de chercheurs associés: Dr. Elena Chiti (Stockholm University), Dr. Samer Frangie (American University of Beirut), Dr. Loulouwa al-Rachid (Carnegie Middle East Center, Beirut), Dr. Fadi Bardawil (University of North Carolina, Chapel Hill), Dr. Kmar Bendana (Université de la Manouba, Tunis), Dr. Amin Allal (CNRS – IRMC Tunis), Dr. Sophie Wahnich (CNRS – IIAC Paris) et Dr. Yann Potin (Archives nationales, Paris). Enfin, Leila Mousson est l’archiviste en charge de la collection des langues arabes à l’ISSH d’Amsterdam. Elle y est notre contact principal.

 

Afin d’assurer un haut niveau dans la qualité de recherche,  notre comité d’éthique est composé de Dr. Myriam Catusse (CNRS - Aix-en-Provence), Dr. Jihane Sfeir (Université libre de Bruxelles), Dr. Vincent Lemire (Université de Marne-la-Vallée) et Dr. Jillian Schwedler (City University of New York).

 

Dr. Lucile Debras (Berlin) est la directrice des finances du projet et Dorothee Mertz (Berlin), la coordinatrice du projet. Ce projet de recherche transnational est rendu possible grâce au financement du conseil Européen de la recherche (CO-771453-DREAM).

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