Migrations en temps de crise du covid-19 – Quels effets et quelles conséquences pour l’action publique et sociale ?
Mobilität, Migration und räumliche NeuordnungUn groupe de travail du pôle de recherche « Mobilités, Migrations et Recomposition des espaces »
La pandémie de covid-19 et sa gestion politique et sociale ont des effets considérables et des conséquences à court et long terme sur la vie de beaucoup de migrants et sur l’action publique et sociale, dédiée aux groupes vulnérables. Suite aux mesures de confinement ou de suspension de contacts, beaucoup de migrant.es travaillant dans le secteur informel, sans statuts administratifs et/ou sur « la route » ont perdu leurs sources de revenu. Pour d’autres, ayant entamé.es une démarche de régularisation de leur situation, l’accompagnement social et administratif s’est réduit, voire arrêté ou encore profondément transformé. Les campements de réfugié.es, mais aussi certains foyers pour travailleur.es étranger.ères – saisonnier.ères, « en détachement » ou encore immigré.es – sont devenus des hauts-lieux d’infection, comme par exemple les campements des travailleurs agricoles dans le Gard, dans le Sud de la France, pendant l’été 2020 ou les logements des travailleurs détachés à Rheda-Wiedenbrück en Rhénanie du Nord en Allemagne en juin 2020. Leurs conditions sanitaires, souvent déplorables et non-conformes aux règles, sont d’autant plus préoccupantes que nombreux.euses habitant.es n’ont pas accès, voire pas droit aux prestations médicales et sociales, garanties par l’action publique. Ces habitant.es ont fait parallèlement l’objet d’une surveillance administrative et policière accrue.
Face à la crise du covid-19, les pouvoirs publics comme d’autres agents dans les domaines sanitaire et social (par exemple les professionnels de l’action sociale et du soin, les fédérations caritatives, les associations de quartiers, les ONG) – ont été profondément ébranlés dans leur travail et leurs routines de régulation, d’administration et de care. Les réactions politiques à la pandémie évoluent avec le temps et varient en fonction des régimes étatiques, des structures de l’Etat social et des mesures sanitaires mises en place contre la propagation du virus et des partenariats locaux. Au Maroc, où un confinement généralisé, assuré par l’armée a été instauré pour plus de trois mois, l’Etat a été contraint à offrir des services sociaux à des groupes vulnérables peu ou pas pris en compte par les autorités publiques auparavant, dont les migrant.es vivant dans des campements ou sans-abris. En France, des réfugié.es et des sans-papiers, d’abord chassé.es de leurs bidonvilles vers les bords des autoroutes ou des friches urbaines, ont été en partie ensuite logé.es dans des hôtels réquisitionnés par les préfets ou les maires. Comme on a pu voir à certaines réactions aux vagues d’infections dans des abattoirs en Allemagne qui emploient un grand nombre de travailleur.es détaché.es, la pandémie met à la fois en cause les déficits, voire l’absence, de la protection sociale de ces derniers et en doute les régulations européennes du « travail en détachement » et de la coordination de la sécurité sociale en situation de mobilité intra-européenne. Par ailleurs, la crise du covid-19 met en lumière, notamment à travers les différentes situations des migrant.es, la prééminence et le poids des logiques de marché dans la définition des politiques sanitaires et sociales. Enfin, nous observons, dans plusieurs pays, la mise-en-œuvre de nouvelles formes de solidarités, mais aussi des changements dans le travail des professionnels de l’action sociale et du soin envers les migrant.es et autres personnes vulnérables, telles que des redéfinitions de catégories administratives et/ou d’instruments de l’action publique et d’intervention sociale.
Le groupe de travail « migrations en temps de crise du covid-19 – Quelles effets et conséquences pour l’action publique et sociale ? » est un espace d’échanges et de réflexion sous forme de rencontres régulières et de journées d’étude. Nos objectifs sont les suivants :
- Rassembler des observations et des descriptions à la fois des situations des migrant.es et de la gestion politique et sociale de ces situations dans différents pays durant la pandémie et constituer ainsi des archives pour des recherches ultérieures.
- Réfléchir sur les transformations à court et long terme que cette crise a provoquées, aussi bien pour les politiques migratoires et sociales et le droit que pour l’action publique et l’intervention sociale. S’intéresser aux transformations des modalités et des pratiques d’intervention.
- Comparer la crise du covid-19 à d’autres crises politiques, étatiques, sanitaires, sociales et économiques, notamment dans une perspective de l’histoire des migrations, de l’action sociale et de la recomposition de frontières spatiales, des rapports de pouvoir et des asymétries dans la reconfiguration des frontières.
- Envisager des questions de méthodologie sur la relation entre évènements et transformations longues par exemple.